Slam suite
Voici les textes des slameurs
d'abord celui de la gagnante "Heidi"
De la difficulté de slammer en milieu rural…
Valérie Chevallon Sotar (« Heïdi »)
Au chômage non indemnisé depuis des plombes
J'ai répondu l'an dernier à une annonce du bout du bout du monde
Elle disait ceci :
« Venez vivre et travailler en Gaspésie
Vous avez l’âme d’une aventurière, d’un aventurier
Vous aimez travailler au grand air et en toute liberté
Alors que vous soyez une femme ou un homme
Plus d'hésitation, devenez bucheron, devenez bucheronne »
Et voilà, c'est parti, me suis retrouvée en plein coeur dela Gaspésie
A couper du bois par moins trente trois
Transie mais ravie d'avoir enfin trouvé ma voie
Profitant d'une solitude sans pareille
Ai longuement médité sur la place de l'homme dans son milieu naturel
Puis les mois passant, ai switché pour des réflexions nettement plus triviales
Un tas de textes de slam s'est mis à tourner en rond dans ma tête
Comme un banc de poissons sans arrête dans un bocal
Des mots qui sonnent, des rimes qui tourbillonnent dans ma boîte crânienne
Au rythme de la bise qui brutalise la terre gaspésienne
Ca pouvait plus durer comme ça, me suis dit « Stop là, il me faut une pause, entre deux coupes de bois, sinon j'explose
Marre de débiter des troncs dans la forêt boréale
J'm'en vais débiter du verbe, des sons dans un bar à Montréal
Paraît que là bas on slamme tous les 12 du mois »
Dès le lendemain, je m'en fus donc par les chemins
Marchant d'un pas rapide
Et croisant les doigts pour ne pas croiser à l'orée du bois
Un ours noir aux abois ou un coyote à l'haleine fétide
Sur les coups des 16 heures, j'arrivai, fourbue, dans la baie des chaleurs
Allez finie la galère, voici en vue la gare de Grande Rivière
Mais là, qui je vois ? Un groupe d’usagers de Via Rail Canada
Survoltés et qui bloquent la voie
Prêts à tout pour préserver leur gare d'un futur qui rimerait avec fermeture
Sans hésiter, leur cause me paraissant légitime, j'ai joint ma voix à leur hymne en gage de solidarité
On s’est donc égosillé pendant trois heures de temps
Jusqu’à ce qu’une bande de zorros partisans d'un durcissement du mouvement
A insisté pour qu'on tire au sort le pauvre coco qui serait ligoté sur la voie
Manque de pot, comme un fait exprès, « maudit français », c'est tombé sur moi...
J’étais sur le point de protester avec véhémence
Quand sont arrivées les forces armées, les ambulances
Immédiatement, tout le monde s’est dispersé vitesse grand V
En trombe, le train a redémarré, me suis engouffrée dans le premier compartiment
Direction le Bas Saint Laurent
Bon, je passerai sous silence la suite de mon épopée
Sachez seulement que mon train a de nouveau été bloqué
A Trois Pistoles pour protester contre la fermeture d'une école
Et à Causapscal pour dénoncer le désert médical
Evidemment, je n'ai jamais atteint Montréal
De dépit, je suis donc rentrée chez moi
Dans les montagnes du Haut Bugey où depuis je coupe du bois
Vous décrire ce pays ? Et bien en fait c'est à peu près commela Gaspésie
La différence principale
C'est que dans le Haut Bugey, t'as moins de chance de croiser un orignal
Sinon, pour le reste, c'est du pareil au même ou presque
Alors non, bien sûr,la Gaspésie, le Haut Bugey, c'est pas le Far West
C'est juste le genre de place où y a pas de transport en commun, pas de poste, pas d'hôpital
Même pas une scène slam
Bref, ce qu'on appelle communément .....le milieu rural
puis celui du second Hadrien
Le Québec et moi
Je voulais faire un slam sur le Québec
Mais n’y étant pas allé, ça n’vaudrait pas un kopeck
Alors… j’vais quand même pas écrire un truc qu’est bête
Faire une poésie vide avec des vers… à sec ?!
J’aurais pu vous monter un slam en tek
Mais cela mène souvent les puristes à s’ lamenter
J’aurais pu faire bomber les torses, gonfler les pecs
Avec l’amitié France-Québec que j’viendrais vous vanter.
J’aurais pu arriver et jouer ces mecs
Qui ont tout vu, connu et visité.
Mais vous auriez vite deviné que, sans déc’,
Mes vers n’y avaient jamais mis leurs pieds !
J’aurais encore pu faire des chèques
Afin qu’la patte du jury soit graissée,
Qu’ils sortent les bons points comme des bonbecs !
Mais j’suis à tellement à sec qu’ils ne pourraient jamais les encaisser…
Ne pouvant aboutir à un truc impec
J’aurais pu ressortir une tonne de leurs expressions !
Mais quand ils parlent, pour moi, c’est du grec
Et ils appellent « suçon » leurs friandises en bâton…
Au Québec, moi, j’les trouve pas ok, mec
J’tombe sur une tuile quand j’leur parle de carrelage
Et puis nos balais sont d’affreuses chaussettes
Et la blonde du président est la brune Carla…
(Certes, il est vrai qu’elle se teint les cheveux, car l’âge…enfin, bref)
Je ne comprends rien ! Leur langue, c’est un fake
Oui, j’suis provoqu’, prêt à tout pour ne pas sécher
Même à vous confier que leur accent me débect’
Quitte à ce qu’ils me qualifient de frais chié !
Certes, je’n’comprends rien, mais j’devrais faire avec :
Ils ont tant de bonnes choses outre-atlantique !
Tant de belles expressions qui me clouent le bec !
Et ils sortent le PQ, quand on jase de politique…
Et tsé, si après tout ça vous trouver que
C’n’est qu’à tourner autour du pot que j’me suis employé
Bref, si vous voulez un vrai texte sur le Québec,
Vous n’avez qu’à m’y envoyer !